Gueule de plastique


Ce matin
, je lis pour la énième fois un article alarmant sur les dégâts des déchets sauvages qui détruisent  la faune et la flore de notre belle et vaste planète. Me reviennent alors en tête les images de kilomètres de routes recouvertes de monticules d’ordures multicolores et bien loin d’être biodégradables lors de mon voyage en Inde quelques mois plus tôt. Ça m’avait attristée voire irritée. Je jugeais vaguement ces gens, coupables de ne pas prendre soin de leur terre. Pourtant, j’ai moi-même continué en toute bonne conscience à consommer plastiques, alu, papier, en faisant bien attention de trier mes poubelles, persuadée que ce petit geste contribuait à sauver la France de ces envahisseurs chimiques.

Ce midi, en achetant une chemise, soigneusement pliée autour d’un carton et d’une feuille de soie, épinglée par des trombones en polystyrène, maintenue par des aiguilles de métal, le col serré par des bandes de carton, le tout dans une enveloppe de polyéthylène transparent, elle-même entourée d’un blister cartonné, je réalise le ridicule de la situation. À peine rentrée chez moi, tout ce que je viens d’énumérer finira directement dans mon bac à recyclage, tandis que ma chemise passera au lavage-repassage qu’elle fut préalablement emballée ou pas…

Je commence à prendre conscience de la dictature du jetable et de cette danse folle de tout ce qu’on fabrique dans l’unique but de remplir nos poubelles (dans le meilleur des cas).

Cet après-midi, je parcours à pied les 500 mètres qui séparent mon dernier rendez-vous de ma maison. Et me laisse aller à un exercice qui me plait énormément d’habitude. Photographier de jolis petits détails qu’on ne voit pas si on ne prend pas le temps d’y prêter attention. Deux perruches sur un poteau, un magnifique graffiti, un chat qui dort à la fenêtre, une plante fleurie qui dépasse d’une bouche d’égout, des marrons qui roulent sur le trottoir… Mais cette fois, mon petit rituel d’observation est troublé par d’autres objets que je refusais certainement de voir jusqu’alors : mégots par centaine, canettes de bière, coton-tige, tampons, bouteilles de soda, papiers gras… Qu’à cela ne tienne, je les prends en photo… Drôles de modèles, preuve que, non, en France, pas plus qu’en Inde, nous ne respectons notre environnement. Je me dis même que si nous étions aussi nombreux que les Indiens, nous battrions le record d’ordures au mètre carré.

Ce soir, de pus en plus décontenancée, je repasse ma journée en revue et je me rends compte horrifiée que chaque moment est associé à une consommation de plastique, papier, aluminium et coton. J’en griffonne rapidement la liste :

Tube d’homéopathie, petite bouteille d’eau minérale, kleenex, tampon, serviette hygiénique, coton, coton-tige, bouteille de lait, bouteille de jus de fruit, emballage pour le pain, les céréales, boite de margarine, capsule de café, serviettes en papier, plaquettes de médicaments. Brosse à dents, tube de dentifrice, maquillage, pot de crème de jour, tube de crème pour les yeux, bouteille de savon liquide, bouteille de shampoing, bouteille d’après-shampoing, tube de beurre de cacao, déodorant à bille, paquet de kleenex, lingette, film plastique qui entoure mon magazine, pack d’eau, stylos, gommes en plastique, cartouche d’encre, rouleau de scotch, colle, criteriums, gobelets jetables, pailles, couverts jetables, sac de supermarché, bidon de lessive, nettoyants cuisine, sols, WC, vitres, dégraissants, détachants, éponges, emballages yaourts, emballage viande, emballage jambon, emballage biscuits, emballage légumes bio (si, si !!!!), emballages fromage, compotes, sodas, bières, … (Et là, je passe, mes courses au supermarché deviennent anxiogènes), touillette dans mon café, sucre emballé, petit lotus sous plastique, gouter des enfants en pochette individuelle, canette, mégots de cigarette, paquet de cigarette, emballage du paquet de cigarette, briquet jetable, vêtements empaquetés, housses de pressing, bouquet de fleur dans une feuille plastique, bolduc, démaquillant, vernis à ongle, lime…

Et cette liste est loin d’être exhaustive.

Cette nuit, j’ai du mal à dormir, je me documente et voilà ce que je retiens :

Le plastique met entre 100 et 1000 ans à se dégrader dans la nature.

En 2016, le taux de recyclage français était seulement de 26% pour l’ensemble des emballages plastiques (sur plus d’un million de tonnes).. Où passe donc tout le reste ?

En France, plus de 1700 cigarettes sont allumées chaque seconde, et 66% des mégots finissent dans la nature. Un mégot met plus de 15 ans à se décomposer et libère 4000 substances toxiques et pollue 500 litres d’eau ! 

La tête me tourne, j’ai un gout de gâchis dans la bouche. Je crois bien que j’ai la gueule de bois (ou plutôt de plastique). Mais je refuse d’être victime et coupable à la fois, je suis responsable et actrice comme les autres. Je vais essayer de respecter plus, consommer moins, éviter de jeter à tout va, réutiliser, réduire les emballages. Et continuer à me documenter, comprendre, partager, participer à des collectes, me tourner vers des ressourceries, des boutiques en vrac.

Je vous fais sourire ? C’est très bobo, nouveau phénomène à la mode après le yoga et la méditation ? Peut- être.

De toute façon, les chiffres sont là, les faits sont avérés. Une journée de ramassage d’ordures (Worldcleanupday.fr)a été organisée dans le monde entier le 15 septembre dernier, 300 000 personnes ont participé en France (que des bobos ?) et plus de 13 millions de personnes ont nettoyé la planète dans 156 pays (13 million de bobos). Rien qu’en 2 heures, 300 personnes ont ramassé 8 m3 de déchets en tout genre dans le parc de Lille (Citadelle).  Un premier bilan de cette journée indique pour la France plus de 250 Tonnes de déchets et environ 8 millions de mégots ramassés !  Mais tant d’autres toujours dans la nature.

Alors, qui a envie de tenter l’aventure aussi ? 

Consommons mieux, jetons moins, essayons…

Plus on est nombreux, plus c’est contagieux…

Pour en savoir plus et contribuer; je vous conseille ce site ITITOCA

http://www.ititoca.com/challenge/5badfba0ba787d06ddcebf84